Rapt.


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Je ne sais pas ce qui m’a menée dans cette pièce et qui est l’autre avec moi. La fin a embué le début, les détails m’échappent. Peu meublée, la deuxième personne me quitte bientôt.

Et voilà qu’une ribambelle de gosses débarquent. Au pas de soldats, ils emplissent la pièce autrefois légère d’encombrement. Une fête d’anniversaire. Des femmes les suivent. Des mamans. Voilées de longues toges fleuries ou dévoilées aux cheveux volages.

Je me lève, instinctivement et quitte l’endroit qui m’accueillait. Je veux emprunter l’escalier mais des trotteurs incrustés où se trouvent des bambins m’en empêchent. Drôle d’escaliers. Je cherche une issue des yeux. À ma droite, une pièce qui donne sur l’étage du bas. Ne me demande pas comment cela est possible, ici, je fais ce que je veux. Tout m’est possible. Mais ne prends rien trop au sérieux, je sais que je songe.

J’emprunte le cadre sans porte. Là, une dame me prend dans ses bras. Derrière elle, d’autres femmes. Je ne m’y attendais pas, je voulais juste sortir de là. Elle prétend me connaitre et être emplie de joie de me retrouver. Ah bon ? Je ne la reconnais pas. Je n’ai pas la moindre idée de qui elle est mais je fais mine que oui, son visage me dit quelque chose. Tunisienne, oui c’est ça. Oui, on se connait sûrement. Elle m’assure qu’on s’est déjà croisées, dans la vie, et qu’on a très vite sympathisé. Elle est aimable et peut-être même intéressante.

Je la suis et me retrouve dans une autre maison, la sienne. Je la vois parfois voilée, parfois ce sont ses cheveux couleur miel. Nous allons dans le jardin, discutons, assises contre le pas d’une porte rouge. Je ne sais plus de quoi. Des amis à elle viennent. Elle les serre dans ses bras. Décidément, elle aime le contact.

Nous retournerons à l’intérieur. Une dame jusqu’à alors absente vient me prévenir du passé de mon hôte. Attention, prends garde à toi ! Elle a fait des choses horribles ! Horribles ? Vraiment ? À quel point ? Quoi, tu ne sais pas ? Elle a aidé à des rapts d’enfants. Des enfants, tu te rends compte ! Enfermés au sous-sol d’une maison de maitre. Abusés et battus ! Tu te rends compte ? Oui, c’est elle qui a aidé à faire cela. Tu te rends compte, dis ?

Toutes mes impressions bienveillantes disparaissent. Comment a-t-elle pu faire une chose pareille et arborer désormais une telle chaleur ? Qui est-elle ? Qu’a-t-elle réellement fait ? Des enfants abusés, battus ? Puis-je juger sa trajectoire ? ‘Umar n’a-t-il pas enterré sa fille vivante ? Quelle différence ? Suis-je en danger ? Pourquoi m’a-t-elle invitée chez elle ? Suis-je complice, moi aussi, même si tout est passé ?

Comme dans la vie, les questions m’assaillent. J’ai le tournis. Je veux comprendre. Alors, je décide de comprendre et retourne à la source.

À ce moment précis, l’ambiance change, feutrée, on remonte le temps. Derrière moi, à ma droite, j’entends les rires d’une enfant. Je ne sais pas comment mais je comprends qu’il s’agit de celle qui serrait les gens dans ses bras.

Sa mère, complice ou ignorante, n’est pas loin, elle lui parle. Je tourne mon regard vers la source du bruit. La petite est jolie, a l’air heureuse. Transparente, aussi naïve et innocente que tout enfant de son âge. Je m’avance, veux voir la scène en entier. L’air est frais, l’odeur du linge tout autant. On doit être en fin d’après-midi.

Je me trouve juste derrière l’enfant, sa mère, complice ou ignorante, pend du linge, le dos tourné, sur une plateforme en bois. Sous celle-ci, une autre enfant jaillit. La scène en prend un coup. L’impression de joie me quitte. Qui es-tu ? Des coups au visage, de la chair rougie par la violence. C’était donc vrai.

Tout ça me plait. L’ambiance, la complexité du récit. Je pourrais même l’écrire ! Enfin, de l’inspiration ! Et quelle inspiration ! Cette approche de cinéaste de laquelle puiser les mots adéquats, de laquelle sortir du cul-de-sac fictionnel.

La petite innocente qui riait plus tôt lui tend le bras. Elle doit la faire sortir de là avant que sa mère, complice ou ignorante, ne s’aperçoive de sa présence. Je les suis, elles courent.

Je veux comprendre, comment tout ça s’est fini. Je veux comprendre alors je décide de comprendre.

Changement de décor. Propulsion dans le temps. La maison de maitre est ternie par les années. Vitres cassées, façade détériorée. Un inspecteur sort. L’enquête semble close. Je ne sais pas où est la complice. Je ne sais rien du dénouement. J’aime ça aussi. L’air est lourd et mystérieux. Ça aussi, je veux l’écrire.

À la manière des films américains, l’inspecteur allume une cigarette, jette un briquet derrière lui. Les flammes grimpent, le verre éclate.

Je pourrais le faire durer mais j’en ai eu assez.

Fin du rêve lucide.

14 commentaires

  1. Salam S.
    J’attendais ton prochain écrit avec impatience et je ne suis pas déçue !
    Magnifique chute 7afazaki Allah :). J’ai fais des recherches pour mon TPE sur les rêves lucides fût un temps ça a ravivé des souvenirs :)

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      1. Hey !
        Malheureusement c’en est resté aux stades de recherches les profs nous ont conseiller de prendre un autre sujet, à l’époque ( lol :p ) et encore aujourd’hui je pense, la littérature n’est que très pauvres en données de ce genre et c’était pas assez solide pour eux :(. Donc on a choisi finalement un truc du genre  » le sommeil est il comparable à la mort  » :))

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  2. Asalamu alaikum wa ramatullahi wa barakatuh, superbe prose comme d’habitude mais petite note, j’ai appris en cours que Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) n’avait pas enterré sa fille avant sa conversion a l’Islam. Je reprends ma lecture de ton post a partir de la ;) Wa salam,

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      1. Le status du hadith contant cet incident est « fabriqué ». J’ai appris cela par mon enseignant Mufti Aasim Rashid mais tu peux faire des recherches sur le net (ou lui demander de plus amples infos si tu le souhaites via le site de son institut).

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Des choses à dire ? BismiLlâh !